mercredi 25 novembre 2015

Le "Sublimis Deus", la bulle pontificale qui interdit l'esclavage



Alessandro Farnese, élu pape le 13 octobre 1534 sous le nom de Paul III

Texte intégral


Le Pape Paul III, à tous les Chrétiens fidèles auxquels parviendra cet écrit, santé dans le Christ notre Seigneur et bénédiction apostolique.

Le Dieu sublime a tant aimé le genre humain, qu'Il créa l'homme dans une telle sagesse que non seulement il puisse participer aux bienfaits dont jouissent les autres créatures, mais encore qu'il soit doté de la capacité d'atteindre le Dieu inaccessible et invisible et de le contempler face à face ; et puisque l'homme, selon le témoignage des Ecritures Sacrées, a été créé pour goûter la vie éternelle et la joie, que nul ne peut atteindre et conserver qu'à travers la foi en Notre-Seigneur Jésus-Christ, il est nécessaire qu'il possède la nature et les facultés qui le rendent capable de recevoir cette foi et que quiconque est affecté de ces dons doit être capable de recevoir cette même foi.

Ainsi, il n'est pas concevable que quiconque possède si peu d'entendement que, désirant la foi, il soit pourtant dénué de la faculté nécessaire qui lui permette de la recevoir. D'où il vient que le Christ, qui est la Vérité elle-même, qui n'a jamais failli et ne faillira jamais, a dit aux prédicateurs de la foi qu'il choisit pour cet office « Allez enseigner toutes les nations ». Il a dit toutes, sans exception, car toutes sont capables de recevoir les doctrines de la foi.

L'Ennemi du genre humain, qui s'oppose à toutes les bonnes actions en vue de mener les hommes à leur perte, voyant et enviant cela, inventa un moyen nouveau par lequel il pourrait entraver la prédication de la parole de Dieu pour le salut des peuples: Il inspira ses auxiliaires qui, pour lui plaire, n'ont pas hésité à publier à l'étranger que les Indiens de l'Occident et du Sud, et d'autres peuples dont Nous avons eu récemment connaissance, devraient être traités comme des bêtes de somme créées pour nous servir, prétendant qu'ils sont incapables de recevoir la Foi Catholique.

Nous qui, bien qu'indigne de cet honneur, exerçons sur terre le pouvoir de Notre-Seigneur et cherchons de toutes nos forces à ramener les brebis placées au-dehors de son troupeau dans le bercail dont nous avons la charge, considérons quoi qu'il en soit, que les Indiens sont véritablement des hommes et qu'ils sont non seulement capables de comprendre la Foi Catholique, mais que, selon nos informations, ils sont très désireux de la recevoir. Souhaitant fournir à ces maux les remèdes appropriés, Nous définissons et déclarons par cette lettre apostolique, ou par toute traduction qui puisse en être signée par un notaire public et scellée du sceau de tout dignitaire ecclésiastique, à laquelle le même crédit sera donné qu'à l'original, que quoi qu'il puisse avoir été dit ou être dit de contraire, les dits Indiens et tous les autres peuples qui peuvent être plus tard découverts par les Chrétiens, ne peuvent en aucun cas être privés de leur liberté ou de la possession de leurs biens, même s'ils demeurent en dehors de la foi de Jésus-Christ ; et qu'ils peuvent et devraient, librement et légitimement, jouir de la liberté et de la possession de leurs biens, et qu'ils ne devraient en aucun cas être réduits en esclavage ; si cela arrivait malgré tout, cet esclavage serait considéré nul et non avenu.

Par la vertu de notre autorité apostolique, Nous définissons et déclarons par la présente lettre, ou par toute traduction signée par un notaire public et scellée du sceau de la dignité ecclésiastique, qui imposera la même obéissance que l'original, que les dits Indiens et autres peuples soient convertis à la foi de Jésus Christ par la prédication de la parole de Dieu et par l'exemple d'une vie bonne et sainte.

Donné à Rome, le 29 mai de l'année 1537, la troisième de Notre Pontificat.


Remarques :

  • La voix du pape n'a plus sur les souverains chrétiens l'effet disciplinaire qu'elle avait quelques siècles auparavant.
  • La condamnation papale concerne avant tout l'esclavage des Indiens sans mentionner celui des populations noires. Les souverains feignirent de croire que les populations africaines n'étaient pas concernées.
  • La bulle pontificale fut, sans surprise, complètement ignorée par les souverains non catholiques (pays protestants et Angleterre).

Sources : 

  • Les légitimations de l'esclavage et de la colonisation des Nègres, Editions L'Harmattan,‎ 2009 (ISBN 9782296111431, présentation en ligne [archive])
  • « Pour saint Augustin, (la Cité de Dieu, livre XIX, chapitre XV), l'esclavage est en effet perçu comme la sanction divine d'une faute, collective ou individuelle » Olivier Pétré-Grenouilleau 2004, p. 68
  • Edouard Biot, De l'abolition de l'esclavage ancien en Occident [archive], Paris, 1840

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